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Robin Williams et la nécrologie médiatique

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DR -Robin Williams et la nécrologie médiatique

DR -Robin Williams et la nécrologie médiatique

L’affaire est entendue : Robin Williams était un bon acteur américain dont le suicide à l’âge de 63 ans constitue une triste nouvelle. Il avait interprété des rôles positifs dans plusieurs films à succès, presque toujours des «feel good movies», des films qui finissent bien et qui sont le reflet d’une humanité généreuse et optimiste. Sa disparition brutale a engendré mécaniquement un mouvement d’empathie. Mais Robin Williams n’était qu’un acteur. Il n’a tourné dans aucun film majeur de l’histoire du cinéma. C’était un honnête artisan qui faisait bien son boulot. C’est déjà beaucoup mais il n’était ni Clark Gable, ni Brando, ni De Niro. Il ne faut pas tout mélanger.

Les médias, justement, mélangent tout. Tout cadavre devient exquis, comme disaient les Surréalistes. Les hommages sur Williams s’empilent. J’ai entendu sur une station radio du service public deux interviews saugrenues : celle de l’acteur français qui doublait la voix de Williams mais qui ne l’avait jamais rencontré et celle d’un prétendu sosie français du comédien américain qui lui avait furtivement serré la main au festival de Deauville il y a une dizaine d’années. Vous imaginez la richesse profonde de ces témoignages…

La veille de la mort de Robin Williams, on avait appris celle du sinologue belge Simon Leys. Mort naturelle en Australie. Simon Leys n’avait tourné dans aucun «feel good movie». C’est son tort. Sa mort est passée inaperçue en France, du moins sur la plupart des chaines de radio et de télé. La presse écrite où certains savent encore lire a heureusement signalé, avec plus ou moins de détails, cette disparition. Simon Leys était un intellectuel majeur du XXème siècle. Il avait observé et raconté la terrible dérive du maoïsme triomphant. Dans un ouvrage paru en 1971, il jeta un seau d’eau froide à la figure des beaux esprits de Saint-Germain-des-Près enflammés par l’avenir radieux de la «Révolution Culturelle» et la dictature communiste pékinoise. Le travail de Leys a été déterminant pour la découverte de l’imposture sanglante incarnée par Mao.

Sans vouloir trop en demander, je pense qu’un petit sujet d’une minute sur Leys dans le journal télévisé d’une chaine publique que je finance avec ma redevance n’aurait pas été superflu. Mais ce n’est pas dans l’air du temps.

Voici un autre exemple. Ce samedi, TF1 va consacrer la énième soirée d’hommage à un jeune chanteur dont le mérite principal est d’être mort prématurément de mucoviscidose. La chaine D8 (groupe Canal+) nous gratifiera en septembre d’un documentaire consacré à la carrière immense de ce même jeune homme. Ladite carrière a duré au total trois années. Les auteurs du documentaire vont devoir faire preuve de beaucoup d’adresse et d’imagination. Ce chanteur a succombé des suites de sa maladie à 23 ans. L’Italien Pergolèse était mort de tuberculose à 26 ans. Mais au moins nous avait-t-il laissé, entre autres merveilles, son Stabat Mater…

Il est vain, me direz-vous, de radoter dans le vide. C’est le vide qui l’a emporté. Nous vivons dans un pays où la ministre de la Culture avait boudé les obsèques du dernier grand compositeur français contemporain, Henri Dutilleux. La même ministre s’était précipitée aux funérailles du chanteur Moustaki, mort le lendemain. Là, il y avait des caméras.

Par Anyhow

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