Citoyenneté

Sainte-Gemmes-d'Andigné, le village qui résiste à la destruction de son église

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Credit AFP/ Damien Meyer L'église de Sainte-Gemmes-d'Andigné, près d'Angers, le 8 août 2013

Credit AFP/ Damien Meyer L'église de Sainte-Gemmes-d'Andigné, près d'Angers, le 8 août 2013

C'est, en entrant dans la nef, le silence saisissant d'un patrimoine menacé: l'église de Sainte-Gemmes-d'Andigné (Maine-et-Loire) résiste à une vague de démolitions lancées par des maires – cinq déjà détruites à travers la France depuis le début de l'année.

« Toute la nef devrait disparaître », dit à l'AFP Benoît Patier, 51 ans, président de l'Association de sauvegarde de l'église Sainte-Gemmes-d'Andigné, montrant l'imposante nef de quatre travées promise à la destruction.

Le maire, Jean-Claude Taulnay, qui n'a pas souhaité être interviewé, veut détruire cette nef bâtie il y a 148 ans en tuffeau, pierre de taille tendre de la région, et la remplacer par un bâtiment circulaire en béton coiffé d'un toit en zinc. Il estime toute restauration trop onéreuse pour ce village de 1.500 habitants. « Restaurer l'église coûterait entre 1,2 et 1,5 million d'euros », explique M. Patier, citant des devis de cabinets indépendants. « Le projet du maire coûte 2,7 millions d'euros: garder l'église coûterait deux fois moins cher ». « On ne comprend pas », dit Christian Boullais, 72 ans, vice-président de l'association.

L'église de Sainte-Gemmes-d'Andigné, près d'Angers, menacée de destruction, et le projet promu par le maire pour la remplacer, le 8 août 2013

La maquette, présentée à la mairie, montre une structure moderne accolée à l'ancien clocher. Mais, conscient de la qualité de l'église, l'Etat a réagi: une instance de classement a été entamée, gelant toute démolition pendant un an. « Le maire nous menace maintenant d'un procès », dit à l'AFP la chef du Patrimoine au ministère de la Culture, Isabelle Maréchal.

L'Etat fait néanmoins valoir qu'il ne peut tout classer. Il y a en France 45.000 églises paroissiales, dont 35% bâties au XIXe siècle, dans leur immense majorité non classées. « Des maires tirent à tort la conclusion qu'ils peuvent démolir », explique Isabelle Maréchal. Or, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1905, l'entretien des bâtiments revient aux communes. Ces dernières soulignent qu'elles n'en ont parfois plus les moyens et que seulement 4,5% des Français vont à l'église le dimanche, la pratique religieuse étant en forte baisse en France depuis les années 1970. De leur côté, les évêques veulent éviter tout affrontement.

« Défiguré »

« Ils ferment les yeux sur le patrimoine pour acheter une forme de paix sociale », dit à l'AFP Maxime Cumenel, de l'Observatoire du patrimoine religieux. L'évêque d'Angers, Mgr Emmanuel Delmas, est l'un des plus décriés: son diocèse, où Saint-Aubin-du-Pavoil (1864) et Saint-Pierre-aux-Liens de Gesté (1862) viennent d'être détruites, est le plus touché par la vague des démolitions.

Mais le phénomène concerne toute la France: viennent d'être démolies les églises de Saint-Blaise-du-Breuil (Allier), en Auvergne, Saint-Pie-X dans l'Hérault, Saint-Jacques-d'Abbeville (Somme) en Picardie. Egalement menacées, les églises de Plounérin (Côtes d'Armor), en Bretagne, et Lumbres (Pas-de-Calais) ont été sauvées. A Arc-Sur-Tille (Côte d'Or), en Bourgogne, le maire a perdu les élections à cause de son projet de démolition.

C'est l'image d'Epinal des villages français qui est menacée, selon les défenseurs du patrimoine. « Un village dont l'église a été détruite est défiguré », estime Jean-Louis Hannebert, de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France. Pour les protéger, « l'outil le plus adapté est l'Aire de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) », précise Isabelle Maréchal. C'est aux régions et aux communes de mettre en oeuvre cette protection, souligne-t-elle.

De la petite route qui mène à Saint-Aubin-du Pavoil, on voyait apparaître le fier clocher du village. Il a été, en janvier, le premier à tomber. Rasé comme à la Révolution, lorsque cette ville fut punie pour avoir hissé le drapeau blanc de la royauté. « Ca fait un vide considérable », déplore Michel de Vitton, 69 ans, dont l'épouse avait pris la tête de l'association de sauvegarde. A la place de l'autel, on peut voir un minuscule espace derrière une baie vitrée, sous un toit en zinc: c'est désormais l'église.AFP

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