Angers

Nomination au Quai à Angers. « Chronique d’un départ annoncé » selon l’ancienne adjointe à la Culture

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Ramognino Monique

Ramognino Monique

Ainsi advient ce qui était voulu dans l’ombre depuis plusieurs mois.

Frederic Bellier Garcia prendra la difficile succession de Christian Mousseau Fernandez à la rentrée de janvier 2015.

Difficile car piloter le Théâtre Le Quai est une tâche complexe qui incombe jusqu’au 31 décembre à un homme de talent, créatif et fidèle.

CMF est un créatif car il lui a fallu réinventer le fonctionnement et les relations au sein de ce lieu si particulier. Ménager les egos des artistes, passés et actuels, tout en occupant son propre espace de programmation, chacun à sa place, chacun dans son rôle. Fidèle, car sa créativité s’est exprimée, au travers de plusieurs magnifiques saisons, dans le cadre exigeant qui est celui du difficile cahier des charges imposé par la précédente équipe municipale.

Cet outil exigeant, CMF lui a rendu honneur avec talent. Il a rempli scrupuleusement le projet culturel et artistique qu’il avait présenté et défendu. Et pour lequel il avait été recruté il y a six ans : Présence quotidienne, constante et attentive, établissement remis sur les rails financièrement, public au rendez-vous grâce à une programmation subtile et éclectique. Ajoutons l’évidente reconnaissance de tous les partenaires culturels de la Ville. Ce sont là autant de preuves, s’il en fallait, des qualités de ce directeur compétent et extrêmement polyvalent.
Ce sont aussi autant de preuves de la complexité de la tâche qui attend son successeur.
Nous avions souhaité, réaliser un bâtiment où les DEUX Centres nationaux, CNDC et CDN, soient hébergés, ensemble. Et la grande originalité de ce lieu, l’innovation qui fait, pour quelques semaines encore, de cet espace un lieu de singularité unique en France, c’est que la Direction en soit confiée à un Directeur d’ EPCC ( Etablissement Public de Coopération Culturelle ) à qui est donné le rôle phare à la fois de responsable gestionnaire du lieu et de la mise en place d’une programmation large, ouverte, que ne peuvent assumer les centres nationaux, puisque ceux ci sont par essence tenus à créer et à programmer de la danse et du théâtre.

Les directeurs des Centres Nationaux sont, et se veulent, essentiellement des artistes et non des gestionnaires. L’EPCC le Quai avait pour mission de palier ce déficit.

Nous assistons aujourd’hui à un sévère bon en arrière. On se croirait revenu aux temps anciens – 15ans -, où le directeur du Centre Dramatique National de l’époque, Claude Yersin, ferraillait pour obtenir , pour le seul Théâtre, un lieu de création et de diffusion. C’est aussi un choix qui aura des conséquences artistiques. Nul doute que les arbitrages qu’aura à faire Frédéric Bellier Garcia , au delà de son talent professionnel et des incertitudes juridiques contractuelles, seront d’une nature très différente . Cette incertitude n’est probablement que le prélude à d’incertitudes plus profondes encore. C’est la nature même du Quai qui s’en trouvera dénaturée. Celui ne devenant qu’un instrument au service d’une politique nationale alors qu’il était en même temps au service d’une politique culturelle et artistique de proximité ( Ouverture sur le territoire. Jeune public captivé par une programmation conçue spécifiquement pour lui : Cirque, Passages, T-Ok, etc,)

Si l’argument de devoir faire de nécessaires économies prétendait légitimer cette nomination, celle–ci n’aurait pas du se faire au détriment des équilibres fragiles propres aux multiples activités de cet établissement.
Cette décision intervient stratégiquement et politiquement au plus mauvais moment. Juste au moment où nous avions obtenu de haute lutte du Ministère qu’il accepte enfin d’engager une réflexion commune avec l’Etat, la Région et la Ville afin de réfléchir pour tenter d’élaborer un projet partagé à l’échelle du site avec l’EPCC Le Quai ET  les deux centres nationaux.
Projet laissant indemnes les obligations et l’essence des trois structures, sans en éliminer aucune. A aucun moment l’équipe en place ne nous a interrogés sur les réflexions en cours.

Enfin soyons lucides : Chaque année des directeurs de Centres nationaux arrivent en fin de mandat, et les affectations sont de plus en plus orageuses et difficiles. Lorsque le Ministère souffle au Maire d’Angers de solliciter Frédéric Bellier Garcia afin qu’il candidate à l’EPCC n’ est ce pas là une excellente façon de régler, avant même qu’elle ne se pose, la question de sa future affectation ?

Je conviens qu’ il était urgent de  redéfinir de façon partenariale le projet à mettre en œuvre au Quai mais en y intégrant  impérativement la présence de nos deux centres nationaux, non pas en écartant de fait le directeur de l’EPCC .
Faire assumer le poste de directeur de l’ EPCC au Directeur du CDN c’est donner aux Centres nationaux, ceux d’Angers, et d’ailleurs, l’illusion qu’ils seront à même d’assurer à eux seuls le devenir global de cet établissement.

J’espère que l’avenir ne prouvera pas, hélas, qu’à vouloir trop embrasser on étreint mal.

Monique Ramognino. Adjointe à la Culture, Première Adjointe au Précédent mandat.

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